


La forêt du Kamouraska
Gabrielle Filteau-Chiba écrit, illustre et défend la beauté des régions sauvages du Québec. Elle a consacré une trilogie à l’appel de la nature et à l’urgence de la défendre. Encabanée son premier roman est inspiré par sa propre vie dans le Kamouraska. Elle raconte sous forme de fiction mais appuyée sur son journal intime, son abandon de la ville et ses trois années passées dans une cabane, sans électricité ni téléphone sous des températures qui avoisinent les -40°C l’hiver. Il est suivi par Sauvagines —mélange de livre sur la nature et de thriller. On y retrouve son personnage Anouk mais aussi Raphaëlle, une agente de protection de la faune, aux prises avec un braconnier. Bivouac, qui clôt la trilogie, est aussi un thriller. Proches de Anouk et Raphaëlle, Riopelle – aussi nommé Robin — et ses compagnons, vont mener une bataille contre la construction d’un oléoduc qui doit traverser la forêt et menacer la vie des arbres dont « Gros Pin » quatre fois centenaire. Si la protection de la nature est au cœur du récit, les façons de voir et d’agir pour la défendre, portées par les différents personnages, se répondent, s’opposent ou se complètent. De la réserve méditative à la construction d’un modèle alternatif, du plaidoyer engagé à l’activisme vandale. Entre les passages consacrés à la magie des arbres, l’autrice explore tout à tour la solitude, l’écoféminisme, le rapport à deux, la vie en collectivité, et plaide pour un nouveau rapport avec le territoire naturel québécois, moins prédateur et mieux partagé avec les peuples autochtones. Romans, Gabrielle Filteau-Chiba, entre 2018 et 2021.
Bonne lecture,
Merci au système de prêt de livres de notre AMAP de m’avoir donné l’occasion de continuer dans cette trilogie (dont le nom général semble être « La forêt du Kamouraska ») !
Je me rappelle avoir lu il y a quelques années le premier de ces (désormais) trois tomes, titré « Encabanée ». J’avais surtout été intéressé à partir du moment où le roman, très « intériorisé », tournait à l’écho du « Gang de la clé à molette » d’Edgar Abbey.
Dans « Sauvagines », l’héroïne principale est une garde-chasse idéaliste mais mal à l’aise dans son travail, qu’elle estime trop soumis aux contraintes économiques (préserver le gibier pour les chasseurs et le bois pour l’industrie, sans faire de vagues) et pas assez à la préservation de la nature québécoise proprement dite. C’est l’attaque d’un prédateur qui va l’amener à se révolter (en tant que femme seule dans les grands espaces où personne ne vous entend crier… en cas de mauvaise rencontre). J’ai trouvé intéressant que sa route croise celle de l’héroïne du volume précédent, lui-même (autre ?) avatar de l’écrivaine. Un livre dont je recommande la lecture (pas forcément la morale).
Enfin, « Bivouac » est à la fois choral et tragique. Il a pour trame de fond une opération de résistance citoyenne à un projet d’oléoduc porté par l’industrie au Québec: d’une part, pour l’exploitation des sables bitumeux, et d’autre part, pour l’intérêt de « coupes à blanc » dans une forêt primaire sur son trajet, ce qui permettra de faire sur ces terres, appartenant autrefois à des peuples autochtones, de la sylviculture industrielle. Vers Bivouac convergent les héroïnes et héros des livres précédents. Il y a des histoires de « nid » et de vie à construire ou reconstruire, d’habitat partagé et communautaire… L’organisation du combat des « écoguerriers » m’a fait songer au magnifique « En un combat douteux » de Steinbeck, paru avant « Les raisins de la colère ».
À mon avis, il ne faut surtout pas commencer par ce troisième tome qui est en quelque sorte une apothéose, mais au minimum par l’un ou l’autre des précédents.
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
Un bon moment de lecture cette trilogie pour moi aussi, avec la langue imagée (lexique en fin d’ouvrage) qui s’entend avec l’accent !
J’ai lu Bivouac d’abord, sans savoir que c’est par la fin que je m’attaquais à la trilogie du Kamouraska. J’ai dû m’accrocher. J’ai d’abord été très curieuse de cette jeune autrice, qui aurait manier l’ellipse, le flash-back et l’allusion avec quelques maladresses peut-être mais une grande authenticité. L »enthousiasme en partage pour la préservation de la forêt forte et généreuse, le goût pour les différentes formes de combat en sa faveur, la jeunesse, la modernité, le rayonnement de ce combat auront eu raison de mes tâtonnements de lectrice.
Tout s’est éclairé en lisant Encabannée, le journal intime de G. Filteau-Chiba, réécrit sous forme de roman et premier volume de la série. Même si, vraisemblablement, le projet d’une trilogie n’est venu qu’en cours de route, la lecture est linéaire.