Le mirage bio
L’ouvrage déconstruit le discours bio et amène à conclure que le bio est un mirage réactionnaire encouragée par une économie marchande. Hum ! Certes, si l’on regarde l’ensemble des indicateurs (toxicité, écotoxicité, caractéristiques organoleptiques, consommation d’énergie, pollutions, rendement, biodiversité), on se rend compte que l’agriculture conventionnelle est performante et surpasse quelquefois l’agriculture bio ; surtout, c’est elle qui est en capacité de répondre à nos besoins alimentaires. Mais, dans cet ouvrage, cette position fait un amalgame entre agriculture conventionnelle et intensive, pourfend le bio-business mais soutient le capitalisme mondialisé, et s’interdit de penser à d’autres formes d’agriculture et aux alternatives indispensables. Dangereux. Essai, Laurent Pahpy, 132 p. 2021.
Bonne lecture !

Bonjour Anne
Oui, un livre dangereux, on peut expliciter pourquoi.
Je dirais que, si l’on ne connaît rien au sujet, à l’histoire et aux problématiques de la bio, mais qu’intéressé par ce sujet, on veut s’informer, il ne faut surtout pas commencer par cet ouvrage en croyant y piocher des infos à bonne source.
Mais voyons d’abord qui est l’auteur, que la 4ème de couv’ présence benoitement comme ingénieur de formation et licencié en économie, et collaborant comme analyste avec des think tanks et intervenant régulièrement dans des média (quels arguments d’autorité !). Quelques recherches et quelques clics permettent de l’identifier comme un tenant acharné de l’économie de marché libérale. Il doit plutôt être partisan des filières du « bio » industriel et des biotechnologies appliquées à l’agriculture, que partisan d’une agriculture sans intrants chimiques, respectueuse de l’homme, de l’environnement et des animaux, permettant aux paysans de vivre de la vente en circuit court de leurs produits à un prix calculé à partir de leur coût de revient.
Le présent ouvrage, ensuite. Il expose les différents points de vue, tenants, et aboutissants, avec ce qui pourrait apparaître comme de l’objectivité. Mais c’est très sournois ! Il n’est que de regarder au fil des pages la différence entre vérités « assénées » au présent de l’indicatif, et parties mises, elles, au conditionnel (pour instiller le doute chez le lecteur). Autres techniques, quand il est question de s’appuyer sur des « études »: telle étude déjà ancienne, et allant dans le sens de la thèse défendue par l’auteur (la bio bénéficie de trop d’argent public, provenant des impôts qui nous accablent, en France – en gros) va être montée en épingle. D’autres ne seront pas mises « autant » en lumière. Tel fait exact, négatif pour « la filière bio », mais s’étant déroulé à l’étranger, va être insidieusement « amalgamé » pour laisser penser que la même chose pourrait se produire voire se produit en France. L’état actuel de la bio, soutenue désormais par les pouvoir publics, avec des objectifs chiffrés (x % de surface agricole en bio, y % de bio dans les cantines et la restauration collective), aboutissement d’années de demandes (et encore largement insuffisant), va être contesté au nom du principe de la « libre concurrence » – occultant ce faisant les décennies où l’agriculture « conventionnelle », elle, a été massivement financée et soutenue en France tant par les pouvoir publics que par l’Europe via la PAC. Et le fait que certains agriculteurs se sont tournés récemment vers le bio par pur opportunisme (pour cultiver des subventions…) et s’en détournent immédiatement si/quand la rentabilité (les subventions) diminue, apparaît comme argument à l’appui des thèses libérales, effaçant d’un trait de plume des décennies d’acharnement militant des « pionniers » de la bio pour faire exister et promouvoir une agriculture « alternative » qui s’opposait au « modèle dominant »…
En conclusion, un livre que je qualifierais de « pour public averti », à ne pas mettre entre toutes les mains! Oui, il faut le lire (il est toujours utile de connaître le fonctionnement, les discours et les « méthodes » que sont capables d’utiliser des « ennemis »). Non, il ne faut pas commencer par lui si vous voulez prendre connaissance des avantages de l’agriculture biologique. Il est engagé (dans le mauvais sens) et quelquefois même de mauvaise foi.
Et plutôt que de vous fier à ce que dit notre auteur pour rabaisser et contester le rôle des organismes représentatifs en France (Agence bio, FNAB, …), commencez par aller vous-même lire leur documentation et leur site internet.
Ou quelques autres ouvrages figurant déjà dans le catalogue AMAP-à-Lire !