Saviez-vous que les arbres contribuent à la formation des nuages ? Que les loups peuvent modifier le cours des rivières ? Que le sort du sanglier dépend du ver de terre ?
Peter Wohlleben est garde forestier depuis une vingtaine d’années, il est observateur et il aime raconter les histoires. J’ai rendu service à ma voisine malade en lui faisant ses courses. Elle m’a donné ce livre pour me remercier. Ma voisine va beaucoup mieux et il faut lire ce livre de secrets en se promettant de les répéter… Essai, Peter Wohlleben, 246 p., 2019.
Bonne lecture,
Un très intéressant livre de synthèse (qui date -déjà- de 2019) sur toutes les interactions possibles dans les écosystèmes, dont la presse ou les documentaires animaliers ne nous dévoilent guère que l’une ou l’autre à la fois (les loups de Yellowstone, oui, je connaissais; mais le rôle de la truite des lacs dans ce même parc, j’ignorais…). L’azote apporté par les saumons, je ne crois pas en avoir entendu parler auparavant. Ni de la gestion des cormorans (une problématique plus allemande que française?). Ce livre met par exemple en perspective la violence de la fracturation hydraulique (pour l’exploitation des hydrocarbures!) par rapport aux phénomènes naturels (extrêmement lents) dans le sous-sol. Le reboisement avec des résineux de pépinières aux racines taillées empêche(rait) leurs arbres de (re)développer jamais un système racinaire intact – d’où fragilités. Et les fourmilières que l’on voit dans des forêts d’épicéas ne pourraient pas vivre dans les forêts « primaires » de feuillus de nos latitudes. L’éclairage artificiel et ses évolutions (néon, ampoules « basses consommation », leds…) ont des influences insoupçonnées sur les insectes, donc sur les populations de leurs prédateurs. Le « nourrissage artificiel » par les hommes de toutes les « pauvres bêtes affamées » modifie leurs capacités et leurs pressions sur le milieu, qu’il s’agisse de la fauvette à tête noire en Angleterre, qui s’est différenciée de celle du continent, ou des cervidés et sangliers nourris au maïs par les chasseurs allemands… Clairement, l’auteur est « contre » toute intervention humaine au profit d’une espèce animale en particulier: apprenti-sorcier, l’homme se place dans le court terme, pour « figer » un état particulier du monde « artificiel » qu’il a lui-même perturbé, alors que la nature évolue sur des millénaires ou du moins des siècles. Dans la nature, tout n’est qu’interactions, et pas toujours pour l’entraide (cette « autre loi de la jungle » évoquée par un autre titre de notre système de prêt « Amap-à-lire).
La fin du livre, qui parle des arbres, est peut-être redondante avec l’un des ouvrages précédents de l’auteur (je tâcherai de lire prochainement les deux « Vie secrète… » qu’il a rédigées). Ce passage sur la forêt évoque le rythme d’adaptation des forêts aux changements climatiques, au rythme lent de la reproduction et de la croissance des géants végétaux. En affectant un usage à chaque parcelle de terre (ici forêt, là champ, ailleurs ville…), nous empêchons toute migration « naturelle » du boisement par telle ou telle espèce d’arbres. L’auteur met aussi en évidence l’instrumentalisation des diverses théories scientifiques concernant les évolutions des paysages (rôle joué par l’homme, à telle ou telle époque, faune, climat… et rétroactions!) par les chasseurs ou les exploitants.
Au final, on ressort du livre avec l’impression que, sur notre malheureuse planète, l’homme est bien le problème, mais sûrement pas la solution (tiens, au fait, il paraît qu’on vient de passer les 8 milliards d’humains « simultanés » en ce mois de novembre 2022, et que ça serait pire » toutes choses égales par ailleurs », en 2100…). Une lecture hautement recommandable, donc.
Merci David pour cette lecture et la remontée en haut de la pile de ce bon livre, résultats des observations passionnées de Peter Wohlleben, écrivain et ingénieur forestier ; une belle réserve à histoires (vraies)…