Saviez-vous que, selon le site internet du MIRAMAP (1), on dénombrait en France, en 2015, plus de 2000 (deux mille) « groupes en AMAP » représentant quelque 250 000 amapiens? Cela doit représenter, en tout cas, des centaines de blogs ou sites comme le nôtre…
Cette fois-ci, je sors un peu du cadre AMAP stricto sensu (comme cela m’est déjà arrivé) et vais vous faire découvrir deux ou trois associations qui ne sont pas des AMAP, même si le réseau AMAP de Basse-Normandie les a identifiés (cf. par exemple la présentation sur http://www.amap-bn.fr/Collectif-de-Saint-Lo). Il s’agit de « collectifs d’achat » en circuit court à des producteurs. J’ai directement posé quelques questions aux intéressés eux-mêmes.
Le Collectif Bio de la Mue (14740 Saint Manvieu Norrey), https://www.lebiodelamue.fr
Les consom’acteurs sont fournis par la SCOP L’Gardin Partageo. Ce Collectif d’achat est, selon les informations trouvées sur internet, « inspirée du concept de l’AMAP » (commandes groupées, d’un mois sur l’autre sans engagement dans la durée). En fonctionnement depuis 2009, ass. 1901 depuis 2012 (?). Je n’ai pas grand-chose à dire sur leur site internet, entièrement orienté « fonctionnel » (passage des commandes…).
Collectif d’achat de l’Adame des Marais (50190 Marchésieux), http://www.adame-des-marais.fr/category/collectif-dachats-des-marais/ et https://fr-fr.facebook.com/AssociationADAME.fr/
Ce Collectif s’est créé au sein d’une association existant depuis de nombreuses années et dont la création (dans une logique de redynamisation locale) est racontée en deux pages dans le livre Le sacrifice des paysans déjà cité dans notre blog. Des amapiens étaient venus témoigner devant l’Adame des Marais en 2013 (cf. http://www.amap-bn.fr/ADAME-DES-MARAIS,430).
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Entretiens croisés (en fait, tout s’est passé par échanges par mail de ma part avec chacun des collectifs, la semaine dernière).
1a/ Question posée au Collectif Bio de la Mue [CBdlM]: votre association fonctionnant depuis juin 2009 avant de s’être créée en 2012 en association loi 1901, comment avez-vous recruté vos « consom’acteurs » ?
On accepte tous les gens intéressés, sous réserve qu’ils adhèrent à l’association, en payant la cotisation annuelle (qui permet de couvrir les frais d’assurance, d’hébergement du site internet et des quelques frais de fonctionnement) et en s’engageant à tenir 3 permanences par an (soit 3 heures par an). Par contre, on vérifie quand même où habitent les gens car nous considérons qu’il n’est pas cohérent d’acheter du bio en faisant deux fois 25 km pour venir chercher les produits. S’ils habitent trop loin on les redirige sur une AMAP de leur secteur. On a officialisé une association loi 1901 car au départ, on n’avait pas vraiment d’assurance ni d’existence officielle, on était un peu une branche d’une association existante du village, mais qui n’avait rien à voir avec notre activité, ça s’était un peu créé « dans l’euphorie » et on s’est dit qu’il fallait devenir « plus carrés », car on ne sait jamais ce qui peut arriver.
1b/ Question posée au Collectif d’achat de l’ADAME des Marais [CAdAdM]: Votre association fonctionnant depuis plusieurs décennies, comment avez-vous recruté vos « consom’acteurs » ?
Il s’est agi d’abord d’une association d’élus d’un territoire rural à l’abandon, décidés à faire bouger les choses. Des adhérents à titre bénévole sont venus en gonfler les rangs. Aujourd’hui il n’y a plus que des bénévoles particuliers, soucieux de mettre en valeur les richesses locales, agricoles, naturelles… dans le respect de la nature et de l’humain. Le collectif d’achat est « une branche » de l’ADAME des Marais, s’est créé il y a environ cinq ans, dans la prolongation de la mise en valeur des produits locaux de qualité et pour faire vivre les paysans qui nous entourent et respectent l’environnement.
2/ Quelques mots sur votre Historique? Pour ce qui concerne le CAdAdM: J’ai trouvé trace du fait que votre association, créée en 1984, avait connu un « nouveau départ » en 2013?
CBdlM: Le collectif a été créé sous l’impulsion de 2 habitants avec au départ un contact avec le GAB14 (Groupement des Agriculteurs Biologiques du Calvados). Il y a eu une réunion d’information et suite à ça, on a démarré, au départ avec juste les paniers de légumes puis très rapidement l’offre s’est bien étoffée.
CAdAdM: Voir Question 1, le nouveau départ est lié à un redressement judiciaire qu’a connu l’association, qui était devenue contre son gré gérante d’une crêperie-restaurant dont les charges étaient importantes. Un projet associatif a permis de redéfinir et recentrer la vocation de l’association.
3/ Quels sont vos liens (adhésion / membre associé / cotisation forfaitaire ou proportionnelle… ?) avec le réseau des AMAP de Basse-Normandie ? En quelle année l’avez-vous rejoint (si tel est le cas) ?
CBdlM: Nous ne sommes pas affiliés au réseau des AMAPs car nous ne respectons pas totalement la charte des AMAPs, nous avons un fonctionnement plus souple.
CAdAdM: Aucun [lien], un simple contact a été établi en 2013-2014 mais n’a pas donné lieu à plus d’échanges, collectif ne veut pas dire AMAP, le fonctionnement se veut plus souple, les engagements moindres. Nous voulions toucher le plus grand nombre de consommateurs et permettre un accès à des produits diversifiés.
4/ Certains de vos producteurs paysans sont-ils par ailleurs en relation avec une AMAP « classique » ?
CBdlM: Oui.
CAdAdM: Non, je ne crois pas qu’il y ait d’AMAP dans la Manche.
5/ A votre propre avis, quels sont les avantages, mais aussi les inconvénients, par rapport à la formule AMAP, pour les producteurs d’une part, pour les mangeurs d’autre part?
CBdlM: L’avantage pour les adhérents, dans notre fonctionnement, c’est clairement la souplesse : il n’y a pas d’engagement à commander systématiquement pour toutes les semaines (que l’on soit là ou pas). Il n’y a pas non plus d’engagement sur la durée. Les gens commandent les produits qu’ils veulent et quand ils veulent, d’un mois sur l’autre. S’ils sont absents tout le mois d’août, il leur suffit de ne rien commander à ce moment-là (et ils ne paient rien). Côté adhérents, je ne vois que des avantages. Côté producteurs, forcément, ça crée de l’incertitude. Mais finalement, les adhérents sont réguliers et ça ne bouge pas beaucoup d’un mois à l’autre. Les mois d’été sont certes plus creux à cause des départs en congés, mais le producteur le plus impacté pourrait être le producteur de légumes, or il fait le marché à Bayeux, qui est une zone très touristique l’été et ainsi, la baisse de notre côté lui permet de fournir les touristes. Donc c’est plus creux côté Collectif, mais plus haut côté marché, ça se compense.
CAdAdM: L’engagement sur une durée, des volumes… est un avantage mais peut aussi s’avérer un inconvénient (les gens consomment au gré de leurs envies, ils ne côtoient pas forcément les producteurs et ne perçoivent pas toujours leurs problèmes). Il n’y a pas d’intermédiaire financier, le mangeur verse l’argent directement au producteur (des bénévoles au sein de l’association organisent les commandes, les paiements, la comm’).
6/ Quelle proportion de la totalité de vos activités représente aujourd’hui l’animation des « circuits courts » paysans / consom’acteurs ?
CBdlM: Nous n’avons qu’une seule activité, c’est de « mettre en relation » les adhérents et les producteurs. En fait, on regroupe les commandes, on transmet les récapitulatifs aux producteurs et on leur transmet les chèques (que l’on n’a pas encaissés, ils sont directement mis à l’ordre des différents producteurs).
CAdAdM: Environ 25-30%.
7/ Fonctionnez-vous avec des salariés ? Et/ou avec des bénévoles ?
CBdlM: Aucun salarié, uniquement des bénévoles. Nous avons parmi les adhérents des référents, volontaires, qui sont les interlocuteurs uniques des producteurs (un référent « légumes », un référent « lait », etc.). Et les adhérents « simples » s’engagent à tenir 3 permanences par an (les référents les tiennent aussi). On est très attachés à cette tenue des permanences, pour deux raisons : on n’a pas de personnes dédiée pour le faire (aucun salarié), et surtout, on veut justement que les gens ne soient pas uniquement dans la consommation, mais s’engagent un minimum.
CAdAdM: 100% bénévoles, un vrai choix suite aux soucis financiers passés.
8/ Quel est aujourd’hui le « modèle économique » du Collectif? Quelles sont vos sources de financement ?
CBdlM: La seule source de financement, c’est la cotisation annuelle payée par chaque adhérent. On a démarré à 10€, puis, une fois la « réserve » faite (la franchise qui reste à notre charge en cas de problème pris en charge par l’assurance), on a baissé à 8€, et cette année on est même à 6€. Le seul endroit où la cotisation baisse ! Notre but n’est pas de gagner de l’argent, juste de couvrir les quelques frais.
CAdAdM: L’association ADAME des Marais finance à 100% les animations du collectif d’achat (soirée concert, verres de l’amitié, …).
9/ Etes-vous actifs pour aider des « néo-paysans » à s’installer (notamment en bio) ?
CBdlM: Non. Par contre, notre producteur de légumes lance de temps en temps des appels à coups de main pour telle ou telle tâche (ça peut être aider aux semis, comme aider à la réparation des serres après la tempête…) et les personnes qui le souhaitent y vont.
CAdAdM: Oui, un couple de maraîcher en cours d’installation bénéficie de coups de main pour installer ses serres et se faire connaître. D’autres installations sont attendues sur cette ferme qui devraient bénéficier de la même manière d’aide ponctuelle bénévole.
10/ Quelle question n’ai-je pas posée alors que vous l’auriez attendue ?
CBdlM: Notre fonctionnement du « bureau »? Nous n’avons pas un bureau « classique » avec président/trésorier/secrétaire car en cas de démission, ça peut être compliqué à remplacer. Par contre, nous avons un fonctionnement « collégial » (c’est moins connu, mais ça existe), c’est à dire qu’il y a plusieurs responsables, comme dans n’importe quelle autre asso, mais pas de rôle défini. Ainsi, en cas de démission, « pas » d’impact. On refait juste une déclaration en préfecture, mais il n’y a pas nécessité à retrouver absolument un président (ou autre) dans les plus brefs délais.
CAdAdM: Quelle est la fréquentation du collectif ? 15 réguliers à 50 ponctuels. Quelle évolution percevez-vous pour les années à venir ? Nous avons un projet d’épicerie coopérative, commandes groupées de denrées sèches auprès d’une plate-forme bio et auto-gérée par tous les mangeurs. Qu’attendriez-vous d’un réseau AMAP ? Je ne sais pas, partager une vision d’avenir peut-être ?
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En ce qui concerne le Collectif d’achat bio de Saint-Lo évoqué en introduction, je n’ai obtenu aucune réponse de leur part à mes mails (j’aurais bien aimé vous présenter un troisième témoignage). On voit en tout cas que, par rapport aux AMAP, il s’agit bien de deux philosophies différentes, des circuits courts montés en parallèle… Je relèverai aussi le phénomène de « vases communicants » entre deux types de clientèle en période estivale cité dans l’un des témoignages. Par rapport aux contraintes structurelles du système « AMAP » de par les nombreux engagements que prévoit sa charte, c’est bien toujours la souplesse qui est mise en avant par les Collectifs d’achat.
(1) pour de plus longues listes: http://miramap.org/-Les-AMAP-.html (consulté le 20/04/2018).
Ta d loi du cine, membre de l’AMAP Réunion / Père Lachaise depuis 2010, présent sur la blogosphère depuis 2007.
Connaissant donc un peu le monde des blogs par ailleurs (et son fonctionnement en « réciprocité »), je vous demande de ne pas hésiter à « poster un commentaire » (si possible) en remerciement sous une recette ou un article qui vous a intéressé, sans oublier de mentionner le lien vers notre propre blog (éventuellement le lien de cet article-ci).