La Toile des AMAP n°160 – 9e regard sur nos correspondants étrangers (la FRACP en Suisse – 4)

PénélopeSaviez-vous que, selon le site internet du MIRAMAP (1), on dénombrait en France, en 2015, plus de 2000 (deux mille) « groupes en AMAP » représentant quelque 250 000 amapiens? Cela doit représenter, en tout cas, des centaines de blogs ou sites comme le nôtre… Mais à l’étranger aussi, ce genre de partenariat s’est implanté. Petit regard extérieur.

J’en finis aujourd’hui, via un quatrième et dernier article sur les composantes de l’agriculture contractuelle de proximité (ACP) en Suisse romande (2), avec ma série sur ce pays frontalier de la France. L’une des structures présentées n’est plus en activité aujourd’hui (mais son site internet conserve de l’intérêt). Enfin, la seconde partie du témoignage de M. Reto Cadotsch (entamé il y a deux semaines) donne des perspectives sur ce que peut représenter un projet alimentaire coopératif pensé à l’échelle de tout un quartier.

FRACP_LumiereDesChampsLumière des champs (CH-1614 Granges / Veveyse), http://www.lumiere-des-champs.ch

Cette association signale sur son site avoir atteint pour cette année la limite de ses capacités, et invite à s’inscrire sur ses listes pour 2021. Si le panier principal provient d’un maraîcher, avec les contrats supplémentaires proposés en option, c’est par un total d’une douzaine de producteurs (fruits, oeufs, produits laitiers, viande, farine, miel, huile, vins…) qu’elle est fournie, pour alimenter 18 points de dépôt. Les membres doivent effectuer de l’aide à la mise en panier (cela représente une charge de travail de 2 ou 3 mercredi soir/an, avec une «amende» de 60 CHF en cas d’absence non justifiée). Le site affiche 90 recettes et comporte une rubrique « c’est quoi ce truc ? », pour apprendre par exemple la différence entre persil tubéreux et panais !

ACP_L_Agrihotte
L’Agrihotte (CH-1804 Corsier-sur-Vevey), https://www.lagrihotte.ch

Ce projet de « hottes » de produits locaux (deux livraison par an) avait été initié en 2005 sous l’égide (notamment) de l’Agenda 21 de la ville de Vevey. Je commence par préciser que je l’avais remarqué dans la liste fournie par Natacha Porcher (cf. TdA 152), mais que je n’ai pas vu l’Agrihotte citée parmi les membres de la FRACP (2). Et pour cause : le site de l’association (toujours en ligne en 2020) m’a appris que celle-ci a été dissoute lors de l’Assemblée générale du 24 janvier 2013, suite, entre autres raisons, à une baisse, au fil des ans, des commandes. Sur ledit site, l’Agrihotte se revendiquait bien de l’agriculture contractuelle de proximité, et on y trouve encore une trentaine de recettes.

Cela m’a en tout cas fait penser que je pourrai peut-être me pencher un jour, pour la France, sur divers «groupes d’achats solidaires» ([ou groupements] équitables, éthiques, locaux, …) qui ne constituent pas des AMAP, mais en partagent certaines valeurs.

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J’avais commencé il y a deux semaines à faire état du témoignage de Reto Cadotsch, qui a derrière lui 40 ans d’activités militantes pour le développement de l’ACP. Il me paraît intéressant de clore cette série d’articles en exposant le projet auquel il s’emploie aujourd’hui. Je disais que, désormais paysan retraité, Reto, jadis pionnier de l’ACP dont il reste un des vétérans, déploie aujourd’hui ses efforts à dépasser ce dernier concept. Pour tout dire, il aimerait que l’ACP passe du niveau des initiatives individuelles diverses qu’elle a pu nourrir ces années écoulées, à une institutionnalisation dans un cadre plus collectif. Ce à quoi il travaille donc depuis avril 2014, c’est à la mise en place d’un projet alimentaire global pour tout un nouveau quartier de 1300 logements. Il s’agit de créer les outils nécessaires à l’approvisionnement alimentaire de base en garantissant une collaboration étroite entre des paysans, des artisans de la transformation (le boucher, le fromager, le boulanger et un atelier de préparation de fruits et de légumes), les restaurateurs, les habitants et la commune.

L’outil clef de ce projet est le magasin autogéré « La Fève » dont le fonctionnement est fortement inspiré du supermarché coopératif new-yorkais Park Slope Food Coop, comme ceux que l’on connaît en France. Ces dernières années en France, on a vu entrer en fonctionnement, notamment à Paris (avec comme pionniers « La Louve » (3), puis « Les 400 Coop », etc.) ou ailleurs, des coopératives alimentaires participatives (qui organisent des réunions de sensibilisation en s’appuyant sur le film Food Coop). Mais, à la différence du modèle du Park Slope et de La Louve qui a été conçu prioritairement par et pour les consommateurs, nos amis suisses voulaient intégrer les paysans et les artisans de la transformation alimentaire dans la gouvernance de leur magasin, dans leur quartier, à Meyrin. Paysans et artisans sont donc membres du conseil administratif de « La Fève » (4), et des contrats de productions sur les quantités, la qualité et les prix sont établis entre les producteurs et le magasin. Une collaboration étroite et à long terme entre la commune et l’ensemble du projet alimentaire de l’écoquartier «Les Vergers» est en cours de construction. Est-ce que, du coup, de tels magasins pourraient par la suite être dupliqués pour assurer un maillage à l’échelle de tout un territoire?

Enfin, il y a quelques semaines, Reto ne pouvait, bien sûr, pas me dire si la crise du coronavirus serait de nature à améliorer la compréhension des problématiques de l’autonomie alimentaire et des moyens financiers à affecter au soutien des agricultures de proximité (ou paysannes, comme on dit en France). Mais, en avril 2020, il remarque que le projet des Amis de la Confédération Paysanne d’une sécurité sociale alimentaire prend dans ce contexte toute son importance (5).

 

(1) pour de plus longues listes: http://miramap.org/-Les-AMAP-.html (consulté le 02/02/2020).

(2) On peut voir la trentaine de membres (y compris ceux dont je n’ai pas parlé) sur le site internet de la FRACP (consulté [mise à jour du site] le 11/06/2020).

(3) Les membres de La Louve assurent bénévolement les tâches nécessaires au bon fonctionnement du supermarché et emploient collectivement quelques salariés pour coordonner l’ensemble. A noter qu’il existe un autre mouvement, celui des coopératives alimentaires autogérées. Ce qui les distingue est le souhait de fonctionner sans aucun salarié. Cf. le livre sur Dionycoop à Saint-Denis (93).

(4) On trouve sur le site internet de « La Fève », qui parle également de l’écoquartier Les Vergers, beaucoup d’informations sur le fonctionnement, les valeurs, l’historique du projet.

(5) Voir le site des Amis de la Confédération Paysanne.

 

Ta d loi du cine, membre de l’AMAP Réunion / Père Lachaise depuis 2010, présent sur la blogosphère depuis 2007.

Connaissant donc un peu le monde des blogs par ailleurs (et son fonctionnement en « réciprocité »), je vous demande de ne pas hésiter à « poster un commentaire » (si possible) en remerciement sous une recette ou un article qui vous a intéressé, sans oublier de mentionner le lien vers notre propre blog (éventuellement le lien de cet article-ci).

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